La pièce se déroule à la fin des années 1930 dans la colonie du Soudan français, l’actuel Mali.
Un jeune marxiste engagé dans les mouvements anticoloniaux vient interroger Issa Youssouf, prédicateur musulman pour qui la conversion du cœur l’emporte sur le respect des rites. Deux notables de l’endroit, l’imam et un de ses fidèles, surviennent. Ils se sont saisis d’une jeune femme qui a visiblement perdu l’esprit et qui est enceinte. Leur plan : mettre Issa Youssouf en contradiction avec la Charia, qui recommande de châtier les relations sexuelles hors mariage. Mais le saint prêcheur déjoue leur piège et trouve le moyen de sauver la jeune fille. Jouant sur la rencontre fortuite d’Issa Youssouf avec le jeune militant anti-colonialiste, les religieux dont l’influence est menacée parviennent à convaincre le pouvoir colonial de se débarrasser des deux hommes.
La figure d’Issa Youssouf est fictionnelle, mais librement inspiré de deux personnages historiques. Le premier est Cheick Hamallah, un mystique musulman persécuté par l’Islam officiel et le pouvoir colonial, qui meurt déporté à Montluçon sous le régime de Vichy. Le second est Jésus de Nazareth, religieux juif hétérodoxe et bienveillant prêchant dans une lointaine colonie de l’empire romain et qu’une alliance entre les pouvoirs politique et clérical condamne à la crucifixion. Le nom donné au personnage de la fiction, Issa Youssouf – Jésus, fils de Joseph – est une allusion à cette ressemblance.
Autre analogie : les disciples de Cheick Hamallah, comme ceux de Jésus, expriment la conviction que leur maître est toujours vivant et établissent des communautés au cœur de l’empire auquel ils appartiennent : Rome pour les premiers chrétiens, Paris pour les hamallistes. La postérité des premières communautés chrétiennes établies à Rome est une religion mondiale, mais à la fin du premier siècle, il est bien impossible (impensable ?) d’en faire la prédiction.
L’enjeu
Au delà des péripéties qui y sont racontées, la pièce explore la façon dont naissent les croyances, comment s’y mêlent aspirations spirituelles et contraintes sociales. Elle montre aussi certaines caractéristiques de l’Islam ouest-africain, présent au Sud du Sahara depuis le 8e siècle, longtemps construit dans la tolérance, mais travaillé comme le fut le christianisme par la tentation de mettre son énergie spirituelle au service d’un ordre politique. Elle interroge les mouvements de l’esprit qui portent des humains au dépassement et la façon dont ces expériences viennent heurter les ordres établis.
L’équipe de création
La passion d’Issa Youssouf est un texte de Jean-Louis Sagot-Duvauroux, auteur de nombreuses pièces créées à Bamako par la compagnie BlonBa dont il est un des fondateurs et largement diffusées dans l’espace francophone. Jean-Louis Sagot-Duvauroux dirige le théâtre de l’Arlequin (Morsang-sur-Orge, 91) confié à BlonBa par Cœur d’Essonne Agglomération. Il est aussi l’auteur de l’idée originale, du scénario et des dialogues de « La Genèse », long-métrage de Cheick Oumar Sissoko (sélection officielle Cannes 1999 « Un certain regard »), film inspiré d’épisodes de l’histoire du patriarche Jacob racontés dans le premier livre de la Bible.
La passion d’Issa Youssouf est portée à Bamako par le réseau Culture en partage. La distribution inclura plusieurs des têtes d’affiches de la scène théâtrale malienne dont certaines accompagnent l’aventure de BlonBa depuis 20 ans. Nous imaginons une mise en scène en tandem entre un jeune artiste malien, Kali Sidibé (Cie Monarydasola), qui a déjà conduit à Bamako plusieurs spectacles prometteurs, avec, dans un deuxième temps, l’accompagnement d’un(e) artiste d’expérience dont le choix reste à déterminer avec nos partenaires. La rencontre entre un(e) professionnel(le) aguerri(e) avec un artiste émergent ouvrira sur une fécondation mutuelle des idées et une utile transmission des savoirs.
La production
La passion d’Issa Youssouf est un projet à moyen terme, relativement lourd, avec sept personnages sur scène. Le spectacle sera créé à Bamako et est appelé à voyager dans l’espace francophone. Il est produit par l’association BlonBa avec comme point d’appui au Mali le réseau Culture en partage.
. Durant la période qui vient, BlonBa / Culture en partage va tenter de réunir un pool de co-producteurs, futurs diffuseurs potentiels, en France et au Mali. Plusieurs institutions ont déjà manifesté leur volonté de participer à ce projet : le théâtre de Corbeil (France, 91), le Théâtre de l’Arlequin à Morsang-sur-Orge (France, 91), le réseau Culture en partage (Mali, Bamako).
Double agenda
Les autorités françaises ont décidé de faire de l’année 2020 un moment de découverte et de la culture africaine vivante. Cette « saison Afrique 2020 » est une belle opportunité pour constituer des réseaux créatifs entre institutions artistiques françaises et africaines. Le réseau Culture en partage, qui rassemble de nombreuses forces émergentes de la vie culturelle malienne, compte y prendre toute sa part, notamment avec la création et la diffusion de La Passion d’Issa Youssouf.
La création de la Passion d’Issa Youssouf coïncidera également avec la troisième édition de l’EM FEST (février 2021), festival annuel Essonne-Mali dans lequel la compagnie BlonBa tient depuis l’origine une place importante. C’est un moyen d’intégrer plus fortement les institutions théâtrales de ce département à cet événement qui mobilise d’importantes forces sociales impliquées dans les partenariats franco-maliens.
Contacts
France : Jean-Louis Sagot-Duvauroux (directeur de BlonBa/Théâtre de l’Arlequin)- +33 1 76 68 34 81 – jlsd@club-internet.fr
Mali : Kali Sidibé, metteur en scène +223 73 05 29 30 – kalisidibe1@gmail.com