Tête d’Or

De Paul Claudel

Mise en scène : Jean-Claude Fall
Dramaturgie : Jean-Louis Sagot-Duvauroux
Décor : Gérard Didier
Lumières : Jean-Claude Fall et Catherine Gracia
Chorégraphie : Naomi Fall et Mohamed Coulibaly

Avec : Adama Bakayoko (un veilleur),  Nouhoum Cissé (le Roi David), Ramsès Damarifa (Tête d’Or), Cheick Diallo (le joueur de flûte peule), Hamadoun Kassogué (le précepteur, le chirurgien),  Abdoulaye Mangané (Cébès), Ismael N’Diaye (un veilleur, le déserteur), Maïmouna Samaké (une chanteuse), Djibril Sangaré (un jeune politicien), Diarrah Sanogo (une chanteuse), Aïssata Traoré (la Princesse), N’Dji Traoré (Cassius), Tieblé Traoré (le tribun du peuple),  Gaoussou Touré (un veilleur), Mohamed Yanogué (l’opposant).

Production : La Manufacture / Compagnie Jean-Claude Fall en partenariat avec la Compagnie BlonBa

« Jean-Claude Fall délocalise Tête d’Or en Afrique. Créé à Bamako en partenariat avec la compagnie BlonBa et le dramaturge Jean-Louis Sagot-Duvauroux, le spectacle est interprété par des acteurs maliens qui font briller la langue aurifère de Claudel. » / Catherine Robert – La Terrasse

15 artistes réunis par BlonBa participent à cette aventure qui ambitionne de donner du sang neuf à l’œuvre du jeune Claudel, 21 quand il écrit ce qui va devenir un des jalons de l’art dramatique. La création à Bamako (2014) se fait en trois lieux du parc du Palais de la Culture et réunit deux mille spectateurs. Le spectacle est  repris en 2015 au Théâtre de la Tempête (Paris) pour cinq semaines et trente représentations.

Le propos

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Composé en 1889 par un tout jeune homme de 21 ans, ce drame a le monde pour scène et l’histoire pour cadre. Tête d’Or, le conquérant, homme du vouloir et du faire, lance son offensive : « Et moi, je dis : Qui osera oser / Et frappant du pied la terre crier : Je Peux Dans le silence du Néant ? » Au vide de l’ennui, Simon Agnel, dit Tête d’Or, oppose l’aventure et le mystère : il vainc les ennemis de l’Empire, perd son ami Cébès, tue l’Empereur, ceint la couronne et part à la conquête du monde. Finalement vaincu, et blessé à mort, il retrouve la princesse qu’un soldat a crucifiée au tronc d’un arbre… « Tête d’Or représente la révolte d’un cœur affamé de lumière, le débat d’une grande âme qui envisage le monde et le juge impuissant à le satisfaire. »

Créé à Bamako, le spectacle est interprété par des acteurs maliens : pour Jean-Claude Fall, la langue concrète, terrienne, incantatoire de Claudel, mais aussi les valeurs morales et les règles sociales qui sous-tendent la pièce, appellent et légitiment ce « Tête d’Or africain ».

Le sable rouge de l’Afrique

Jean-Claude Fall a travaillé avec BlonBa, la troupe la plus active sur le plan théâtral et politique dans le pays, avec des acteurs aguerris et pour certains très connus au Mali, comme le rappeur Ramsès Damarifa (Tête d’or), le joueur de flûte peul Cheick Diallo, les acteurs Hamadoun Kassogué, Nouhoum Cissé, »Banyengo », Diarrah Sanogo « Bougouniéré ». À la création, la pièce était jouée en décors naturels, dans un petit bois, une paillotte et au bord du fleuve Niger. À Paris, le spectateur sera aussi invité à se promener dans le théâtre dans trois lieux, « avec une constante : le sable rouge de l’Afrique ».

« Tête d’or » a été écrit en 1889

« C’est un Claudel jeune, rebelle, en lutte contre la religion qui est en train de l’envahir et qui est complètement sous l’influence de Rimbaud, de Shakespeare, un Claudel presque violent », décrit Jean-Claude Fall. Accablé par la pensée matérialiste des années 1880 (déjà !), Claudel transfigure ses aspirations spirituelles dans la destinée de Tête d’or, un conquérant qui s’empare du pouvoir avant de mourir en reconnaissant sa vanité. Pour Jean-Claude Fall, c’est « un aventurier qui a tout perdu et qui, dans une situation où la tribu est attaquée, prend le pouvoir, tue le roi, devient le despote et met en place des règles qui renvoient les femmes à la maison et appellent les hommes à la guerre. Il emmène tout le monde vers une guerre de conquête folle, à la fin de laquelle il va rencontrer la figure qu’il cherche depuis toujours, qui est la mort. »

Une pièce politique

Jean-Claude Fall revendique une lecture politique de la pièce et s’affranchit de la mise en scène légendaire et poétique de Jean-Louis Barrault à la création en 1959. « Claudel sait que sa pièce est politique », assure-t-il. « Il y a dans Tête d’or une posture critique et à la fois fascinée par un ordre ancien qu’il faudrait rétablir. Quand les Allemands ont demandé à la Comédie-Française de monter Tête d’or, il a refusé les droits en expliquant que certes, les valeurs de Hitler et Mussolini ressemblent aux valeurs de Tête d’or, mais qu’elles en sont une caricature. »

Marie-Pierre Ferey (Le Point Afrique)

Pourquoi en Afrique ? Jean-Claude Fall, metteur en scène, explique son choix

« Il y a vingt ans, j’avais organisé un stage sur Tête d’Or. L’idée de le situer en Afrique m’était venue alors, et je me suis toujours dit que si je le montais un jour, ce serait ainsi. Quand je suis allé au Mali il y a deux ans, j’ai rencontré BlonBa : la pertinence de ce projet avec eux est très vite apparue très évidente. L’appropriation par les acteurs de la langue de Claudel a été facile. Cette langue terrienne, matérielle, pleine de terre et de cailloux, avec ses phrases compliquées, ressemble à la langue sophistiquée et paysanne que parlent les Africains. Mais peut-on délocaliser Tête d’Or ? Le texte y répond. L’action se passe dans un pays imaginaire, une terre d’aventures pour une aventure du bout du monde. Ce n’est pas le seul tam-tam dont joue le roi pour réveiller les dormeurs de son palais qui nous met sur la piste de l’Afrique, mais aussi les archétypes sociétaux, familiaux, les rapports entre les jeunes et les anciens, les hommes et les femmes qui sont encore à l’œuvre en Afrique, alors qu’ils ne sont plus opérants en France, où ils font référence à ceux de la société du XIXème siècle. Tête d’Or arrive dans un bout du bout du monde, une contrée perdue où on le prend pour Alexandre, dont tout le monde attend le retour. Lui qui n’a rien à perdre, chasse les ennemis et devient le despote que tous craignaient, les conduisant vers la guerre et la mort. Ce récit s’entend dans la réalité politique de l’Afrique. Amadou Aya Sanogo au Mali, Amin Dada en Ouganda : nombreux sont ceux qui ressemblent à Tête d’Or.

Parler pour l’Afrique de l’Afrique

« En plus de toutes ces raisons, d’autres sont plus théâtrales. D’abord le souvenir de la mise en scène de Barrault, avec Cuny et Terzieff, rend presque irreprésentable un Tête d’Or de même nature. Délocaliser la pièce permettait de s’éloigner le plus possible de cette représentation mythique. Bien d’autres choses sont aussi apparues en relisant la pièce. Contrairement à une représentation idéalisée, Tête d’Or n’est ni un héros positif, ni un sauveur. Si on l’envisage d’un point de vue politique, c’est un héros fasciste, un rebelle sans cause, qui ressemble presque à un djihadiste. Claudel savait qu’il s’agissait de cela. A preuve son refus d’en autoriser la mise en scène par la Comédie-Française sous l’Occupation, pour ne pas qu’on y voit un éloge des valeurs de Hitler ou Mussolini. En travaillant la théogonie claudélienne, on comprend que Tête d’Or, c’est Lucifer, celui qui est le plus aimé de Dieu mais qui, se prenant pour Dieu, est déchu. A cet égard, on place souvent Cébès et Tête d’Or dans une relation aimante. Or, c’est en fait un conflit terrible qui les oppose, un conflit spirituel. En mourant, Cébès trouve son chemin vers la lumière, mais Tête d’Or reste dans l’ombre. Tout cela m’est apparu en faisant un pas de côté par rapport aux marques habituelles des chemins de Claudel. En évitant l’exotisme et la gadgétisation, nous avons vraiment fait un travail qui parle pour l’Afrique de l’Afrique. Au point que les spectateurs maliens ont pensé, à la création, que la pièce avait été écrite par un auteur africain contemporain ! »
Propos recueillis par Catherine Robert

DANS LA PRESSE

C’est magnifique. Et magnifique, le défi politique lancé : qu’avez-vous à proposer, à opposer, face à ce sublime nihilisme ? Quelles forces allez-vous trouver en vous-même, si vous ne voulez pas mériter votre esclavage ?
THÉÂTRE DU BLOG – CHRISTINE FRIEDEL – 19/03/15

La puissance chorale de cette troupe si prompte à chanter l’effroi, la douleur, l’idéal ou la folie, galvanise le spectacle.
TÉLÉRAMA – EMMANUELLE BOUCHEZ – 18/03/15

Une belle expérience théâtrale, physique, intérieure, intime, en un mot rare que ce Tête d’or joué par une équipe de comédiens maliens tous épatants.
LE MONDE – EVELYNE TRÂN- 15-03-15

Une expérience inédite qui revisite totalement l’œuvre de jeunesse d’un des plus grands poètes-dramaturges français. Et une réussite magistrale.
LE LAC DES SIGNES – MARINA DA SILVA – 27/03/15

On n’a jamais vu une pièce de Claudel avec autant d’émotion et de force. On ne peut que vous encourager à partir en voyage avec cette troupe malienne qui donne un sacré coup de fouet et de jeunesse à la pièce de Claudel.
SCÈNE WEB – STÉPHANE CAPRON – 25/03/15

Sans aucun exotisme, mais avec une grande pertinence et une impeccable maîtrise des outils du théâtre, Jean-Claude Fall et sa magnifique équipe font résonner le drame dans toute sa force et sa radicalité.
LA TERRASSE – AGNÈS SANTI

Ce qui frappe avant tout dans cette mise en scène, c’est la force avec laquelle s’effectue la rencontre entre le poème dramatique de Claudel et le dynamisme des membres de la compagnie BlonBa.
CONTEMPORAIN.COM – CHRISTIAN DRAPRON – 03/15

Tête d’or, une pièce écrite par l’écrivain français Paul Claudel, prenant des couleurs maliennes à Bamako avec une mise en scène du français Jean-Claude Fall et une interprétation des têtes d’affiche du théâtre malien, ressemble à s’y méprendre à une radioscopie de la crise malienne.
AFRIQUINFOS – 05/02/14

Vidéo :

https://www.youtube.com/watch?v=0-pvWtQ24nI

janvier 1 @ 09:00
09:00

compagnie Jean-Claude Fall, La Manufacture, Paul Claudel

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