Quinze ans de création théâtrale
L’aventure de BlonBa commence avant BlonBa, en 1997. Sur le plateau de La Genèse, film de Cheick Oumar Sissoko (Sélection officielle Cannes 1999 « Un certain regard »), Jean-Louis Sagot-Duvauroux, auteur de l’idée et du scénario, y propose à Sotigui Kouyaté et Habib Dembélé « Guimba » de créer une compagnie théâtrale. Banco !.
La compagnie prend le nom de Mandéka théâtre. Quelques mois plus tard, Alioune Ifra Ndiaye, jeune réalisateur et opérateur culturel de 27 ans, rejoint le noyau fondateur.« 52 » est le titre du premier spectacle produit par le Mandéka Théâtre. Il s’agit d’un one-man-show qui signe le grand retour de « Guimba national » (Habib Dembélé) sur la scène bamakoise. Devant un palais de la culture archicomble, l’humoriste campe le personnage d’une « 52 », le nom qu’on donne aux petites bonnes qui servent les familles des classes moyennes « parce qu’elles s’habillent comme en 1952 ». Ce spectacle s’inscrit dans le renouveau du kotèba, farces burlesques de critique sociale, renouveau impulsé dans les années 1980 par une poignée d’artistes inventifs et courageux, dont Habib Dembélé est une des principales figures. Dans la même période, Jean-Louis Sagot-Duvauroux propose à la compagnie de monter une adaptation de l’Antigone de Sophocle, qu’il écrit avec la collaboration d’Habib Dembélé. Le spectacle, coproduit par le centre dramatique national d’Aubervilliers (France), connaît un vif succès dans cette prestigieuse institution, mais aussi aux Bouffes du Nord, théâtre parisien de renom, qu’il remplit durant un mois, au festival de Blaye, à la scène nationale de Saint-Nazaire, ainsi que dans les centres culturels français de Bamako et de Conakry.
Habib Dembélé et Sotigui Kouyaté ne souhaitant pas poursuivre l’aventure du Mandéka Théâtre, Alioune Ifra Ndiaye et Jean-Louis Sagot-Duvauroux créent la compagnie BlonBa, qui prend le relais de cette expérience réussie. Premier spectacle produit sous ce nouveau nom : Le retour de Bougouniéré. Cette pièce redonne vie au personnage de Bougouniéré, incarné par Diarrah Sanogo (prix de la meilleure comédienne d’Afrique 2009), qui avait connu un immense succès à la fin des années 1980. Il relance le mouvement de renouveau du kotèba en l’élargissant à un public international. Les créations théâtrales qui suivent vont bénéficier de la salle bamakoise qu’ouvre la compagnie en 2004. Cet équipement unique en Afrique de l’Ouest permet au public bamakois de voir des spectacles dans des conditions correspondant aux standards internationaux. Il donne aux artistes maliens un espace d’expression taillé à leurs mesures. Les créations théâtrales de BlonBa utilisent tantôt la langue française, qui leur permet d’être montrées partout dans l’espace francophone, tantôt la langue bamanan qui élargit le public du théâtre à des couches plus populaires de la société. Pour la plupart d’entre elles, elles s’inscrivent en les réinterprétant dans trois lignées culturelles propres au Mali : le kotèba, farces satiriques de critique sociale ; le maana, grande récitation publique des faits notables de l’histoire ; le nziiri, contes et fables qui explorent les comportements humains. Cet ancrage permet à ces créations d’être vécues par les spectateurs à la fois comme des moments intenses de prise de conscience et comme des événements festifs.
La compagnie BlonBa a régulièrement bénéficié d’apports en coproduction de la part de théâtres amis : en France les centres dramatiques nationaux d’Aubervilliers, de Montluçon et d’Angers, les scènes conventionnées du Blanc-Mesnil, de Choisy-le-Roi, d’Ivry-sur-Seine, le dispositif francilien Arcadi, et aussi le centre national des Arts d’Ottawa (Canada), le théâtre de la Place à Liège (Belgique), la compagnie Askènè en Suisse. Le théâtre parisien du Grand-Parquet a accueilli pour des séries de quatre semaines trois des créations de la compagnie. Non loin de là, le théâtre de la Reine Blanche a engagé un partenariat avec BlonBa à l’occasion d’une série de représentations de la comédie de kotèba Ala tè sunogo (Dieu ne dort pas). Cette structuration de la production (coproduction + achats réinvestis) font que la compagnie BlonBa a injecté des dizaines de millions de francs cfa dans l’économie malienne et généré des dizaines d’emplois. La diversité des partenaires a favorisé l’autonomie de la création et sa reproductibilité. Quand elles arrivent, les subventions viennent dynamiser cette politique de création et de diffusion, mais dans le cas contraire, le travail continue. Toujours, les choix artistiques restent libres. La diversité des partenaires a été une des clefs de l’indépendance de la politique de création de BlonBa. Dans la dernière période, la régularité des tournées de BlonBa en région parisienne a conduit le conseil régional d’Île-de-France à accorder à la compagnie une subvention de « permanence artistique », moyennant un travail de contact avec les publics franciliens. L’agglomération du Coeur d’Essonne a même confié à l’antenne française de BlonBa la direction du théâtre de l’Arlequin (Morsang-sur-Orge, 91) qu’assure Jean-Louis Sagot-Duvauroux. Cas unique, un équipement artistique français est ainsi attribué à une compagnie africaine, du fait de son apport à la vie artistique de la région d’accueil.
Il est d’autant plus navrant que dans la même période, BlonBa se soit trouvé dans l’obligation de fermer sa salle bamakoise, aux prises avec les difficultés nées du coup d’État du 22 mars 2012 et avec la cupidité de la propriétaire des murs. Dans l’adversité, la compagnie a maintenu et même développé son activité de création. Malgré la fermeture de sa salle, Blonba a ainsi pu créer deux spectacles de kotèba – Tanyinibougou, Inch Allah – présentés chaque fois devant des milliers de spectateurs au palais de la Culture, ainsi que dans d’autres grandes salles bamakoises. La captation audiovisuelle de Tanynibougou a été présentée dans plus de cent villes et villages du Mali, donnant chaque fois lieu à des débats passionnés sur la corruption et la gouvernance. Les spectacles de la Compagnie BlonBa ont continué à voyager dans le monde et ont été notamment retenus par plusieurs festivals internationaux : Vérité de soldat, Festival des Francophonies en Limousin, Festival Sens interdit, Festival Automne en Normandie ; Plus fort que mon père, grand prix du festival Casamance en scène 2014 ; Ala tè sunogo/Dieu ne dort pas sélectionné par le Festival sur le Niger, Ségou 2016, le MASA, Abidjan 2016, les Journées théâtrales de Carthage, Carthage 2016. Premiers pas du réseau Culture en partage, un intense partenariat s’est établi en 2015 et 2016 avec l’Alliance française de Bangui alors que ce pays connaissait une crise violente, avec une tournée de Ala tè sunogo dans la capitale centrafricaine, avec aussi, sous le titre La soupe de Sidonie, la création d’une adaptation centrafricaine de Bougouniéré invite à dîner. En août et septembre 2016, Adama Bagayoko, membre de la Compagnie BlonBa, mais aussi animateur d’une extraordinaire expérience de théâtre thérapeutique mené depuis 25 ans avec la section psychiatrique de l’hôpital bamakois du Point G, a assuré à Bangui la mise en scène de La Chèvre de Boubakar, pièce de théâtre-forum écrite par Boniface Olsène Watanga et Jean-Louis Sagot-Duvauroux. A Bamako, Culture en partage a imaginé un premier dispositif de diffusion théâtrale inauguré par une tournée de six représentations du spectacle de BlonBa Plus fort que mon père dans les quartiers de Bamako réunissant 2400 spectateurs, principalement des jeunes, ainsi que la création malienne de La Chèvre de Boubakar.